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Rédacteur : Jean-Claude Pommereau, support technique : Éric Pommereau

RAMOULU (Loiret)

A l'attention du lecteur:

Il ne s'agit pas d'une étude historique sur le village, mais simplement de sa relation avec nos souvenirs familiaux, tels que nous les avons vécus ou bien entendus de la bouche de nos parents. Assurément, ils doivent participer à la transmission du souvenir de notre famille…

Ramoulu est le berceau de la famille Pommereau, bien qu'auparavant nos lointains ancêtres aient vécu dans le village voisin de Marsainvilliers.

Sans vouloir rentrer dans des détails généalogiques fastidieux à lire et à comprendre, il faut retenir simplement que notre arrière-grand-père (né en 1844) se prénommait Louis-Isidore et que notre arrière-grand-mère (née en 1855) était prénommée Eudoxie (et de son nom de jeune fille Hureau). Ils ont eu quatre enfants : Jules, Henri, Ferdinand (notre grand père) et Marius.

Louis-Isidore était charron et avait pignon sur rue, c'est-à-dire qu'il était établi à son compte. La charronnerie était installée dans le centre du village, à la fin du 19e siècle (à l'époque route de Marsainvilliers et aujourd'hui 10 rue d'Auvergne).

En 1910, notre grand-père Ferdinand s'est retrouvé veuf à l'âge de 32 ans, restant seul avec sa fille Fernande âgée d'un an. Deux ans plus tard, il devait épouser notre grand-mère, Henriette Picard, qui lui donnera un fils en 1914 : notre père Pierre.

Une photographie datant des années 1920 donne une idée assez précise de l'activité de cette entreprise familiale.

Tous nos parents figurant sur cette photo ont pu être identifés.

Jusqu'à un passé relativement récent, les charrettes et autres attelages devaient supporter une plaque mentionnant le nom et l'adresse du propriétaire. Nos parents étant très économes et récupérateurs, ils avaient gravé cette plaque sur l'envers d'une déjà existante.

Malgré la guerre, la vie continuait dans Ramoulu, mais aussi la criminalité de l'époque comme en témoigne cet article du journal «Le Gâtinais» d'Etampes qui fait état en janvier 1918 d'un «abus de confiance» perpétré à Ramoulu, dans le hameau de Boissy le Brouard, au détriment de Monsieur Thomas. (voir en bas de l'article)

Les quatre frères Pommereau, mobilisés en 1914, sont tous revenus vivants de la guerre. (voir «le journal d'un Poilu» de Ferdinand ainsi que les anecdotes s'y rapportant).

Louis-Isidore et son fils Jules se sont très tôt intéressés à l'apiculture. Dans le village, on ne désignait pas les hyménoptères par le mot «abeilles», mais par «les mouches». La carte postale ci-dessous montre une partie de la famille s'affairant autour des ruches dans un bois proche de Ramoulu.

A la fin des années 20, Jules reprit la charronnerie familiale tandis que Ferdinand créait une maréchalerie dans la cour voisine (12, rue d'Auvergne). Notre père Pierre y fit son apprentissage de maréchal ferrant avant de se destiner plus tard au métier de boulanger. Henri et Marius s'orienteront quant à eux vers la coiffure. Henri sera communément appelé «le Perruquier» au sein de la famille, tandis que Marius gardera le sobriquet de «Rigadin». (Ce surnom vient sans doute du nom de l'un des premiers comiques cinématographiques).

Ci-dessous, une photographie de la maréchalerie de Ferdinand et Henriette.

A cette époque, Ramoulu, comme beaucoup d'autres petits villages, comptait en plus de la charronnerie et de la maréchalerie, un boulanger (à partir de 1945), deux cafés épicerie, un cordonnier, un coiffeur, et plus tard un charcutier. Les fermes, de petite taille pour la plupart, élevaient du bétail pour la vente du lait et pratiquaient la culture céréalière et betteravière. Les nombreux chevaux et autres charrettes ou charrues donnaient du travail à la famille Pommereau. On peut imaginer le son de l'enclume qui s'échappait de la maréchalerie, notamment les jours de mauvais temps qui obligeait les charretiers à rester à la ferme. Ils arrivaient tous en même temps et voulaient être «servis» les premiers. Il fallait donc gérer les susceptibilités avec diplomatie…Nous gardons encore en mémoire l'odeur de la corne qui brûlait lors de l'ajustement du fer sur le sabot… De la même façon, au moment des labours, il y avait fort à faire pour rebattre les socs des charrues et Ferdinand devait se lever tôt pour satisfaire tout le monde.

L'église, la mairie et les cafés étaient les points de rencontre des habitants en dehors des bancs de pierre installés devant pratiquement chaque maison. L'été, le soir venu, chacun sortait devant chez lui prendre un peu de fraîcheur, assis sur son banc. c'était un moment de délassement après la journée de travail et aussi l'occasion de discuter avec le voisinage et d'entretenir les cancans…

Ferdinand et ses frères, puis ensuite Fernande et Pierre, fréquentèrent l'école de Ramoulu. Le maître d'école étant seul, il devait enseigner simultanément à des groupes de niveaux et d'âges différents. Dans le village, l'instituteur qui résidait au dessus de la mairie servait de secrétaire à cette dernière. Pierre s'est souvenu longtemps de ses «maîtres» dont il parlait encore avec déférence et respect. Citons pour leur mémoire les noms de Monsieur Aquilon et de Monsieur Cagnat. Ces enseignants donnaient aux enfants de solides bases pour qu'ils puissent plus tard affronter la vie. Ils initiaient aussi les écoliers aux arts, en montant comme ci-dessous des petits spectacles. Ici, une représentation scolaire met en scène un mariage dont Pierre est le marié. (vers 1925)

on reconnaitra en haut à gauche Réné Brosse, et à l'opposé Marcel Marchand.Et en bas à droite René Poincloux

L'école était avant tout l'endroit où l'on apprend et où l'on fait des devoirs. Le mardi 29 mars 1927, en écrivant cette dictée (ci-dessous à gauche), le petit Pierre était loin d'imaginer qu'au même moment, celle qui allait être son épouse, Suzanne, s'appliquait à rédiger son exercice de vocabulaire dans une école parisienne. (ci-dessous à droite).

Pierre racontait volontiers cette petite anecdote : le matin, le Maître d'école inspectait l'hygiène de base, notamment les oreilles et les mains. Or un jour, Pierre est arrivé avec des mains dont la propreté laissait à désirer. L'instituteur l'a renvoyé à la maison pour qu'il se lave…De peur de se faire houspiller par ses parents, il s'est arrêté à la mare du village, a frotté ses mains dans l'eau verdâtre, et est prestement revenu à l'école.

Ci-dessous, quelques vues de Ramoulu. Sur celle de gauche on peut voir la maison familiale avant la création de la maréchalerie, là où se trouve un renfort de soutien aujourd'hui disparu. (sur la gauche du cliché)

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La carte ci-dessus a une petite histoire… Lors de la prise du cliché, les enfants du village étaient tous présents et endimanchés, afin de poser pour la postérité et d'avoir le plaisir de se voir figurer sur une carte postale. En regardant de près la photo on y remarque un énergumène qui pose les jambes écartées… C'est Pierre qui tenait à se distinguer du lot ! Ferdinand son père lui a dit en voyant plus tard la carte postale chez l'épicier : «à chaque fois que je verrai cette carte, tu prendras un coup de casquette» !

Comme dans chaque village de France, Ramoulu a son monument aux Morts sur lequel est gravé le nom des enfants du village morts pour la France. (*) Petit clin d’œil familial à son sujet : c'est Ferdinand qui, lors de la mise en place, est allé à Pithiviers chercher les obus et les chaînes qui entourent et délimitent le monument.

(*) concernant les enfants de Ramoulu dans la guerre de 1914-1918, lire «Le journal d'un poilu de Ferdinand» et les anecdotes qui suivent, ainsi que la page consacrée à «Marius Pommereau dans la grande guerre». A lire également, «Le carnet du Ramoulusien» édité par la commune de Ramoulu, à l'occasion du 100ème anniversaire du début de la guerre.

Les protagonistes ont été identifiés comme suit : (de gauche à droite) Marcel Perraut - Robert Rousseau - René Beauvallet - René Poincloux (assis sur la borne). En arrière plan à droite : Clotaire Beauvallet - Georges Crosson - Marceau Perrot. Au premier plan de gauche à droite : René Brosse - Maurice Poincloux - Clotaire Vallier - Germain Dupré - Marcel Marchand - Marcel Rousseau.

Sur cette carte postale on peut remarquer, sur la partie droite du cliché, des jeunes gens porteurs d'une curieuse coiffure (Clotaire Beauvallet, Georges Cresson, Marceau Perrot). Il s'agit vraisemblablement de jeunes conscrits qui ont satisfait au Conseil de révision et qui ont été déclarés «Bons pour le service». En arrière plan, le monument aux Morts et la mairie avec au premier étage le logement du maître d'école. Cette carte postale a sûrement été réalisée le même jour que la précédente comme semble l'indiquer l'habillement des enfants.

En 1934, Pierre et Suzanne se sont rencontrés. A l'occasion d'une visite à Ramoulu, «la Parisienne» s'est retrouvée juchée sur un cheval, sous l’œil de Mathilde. Pour l'occasion, Pierre avait laissé son vélo et troqué son bleu de travail pour un costume et une cravate…

forge_001.jpg 1934_rencontre_pierre_suzanne.jpg papa_ramoulu_vers_1935.jpg


ci-dessus à droite, Ferdinand et Pierre à la forge, dans “la boutique”

(ci-dessus des éléments de la forge dans les années 80)

Départ de la famille Pommereau (Celle de Pierre)

En 1937, Pierre s'est marié avec Suzanne et a quitté Ramoulu pour aller apprendre le métier de boulanger chez un oncle à Argenteuil. Michel devait naître cette même année. Peu après, ces jeunes boulangers achetaient une affaire à Fontenay Sous Bois. Ferdinand et Henriette décidèrent de mettre leur maréchalerie en location pour rejoindre Pierre et Suzanne afin de les aider au mieux.

Pour autant, la présence familiale a perduré puisque la famille possédait aussi une petite maison donnant sur la place Ste Julienne. Cette demeure a rendu bien des services notamment,durant la guerre, lorsque Ferdinand et Suzanne venaient en vélo, depuis Fontenay Sous Bois, pour “le ravitaillement”. Après un peu de repos, ils repartaient avec leurs valises ficelées sur les vélos en direction de Fontenay transportant beurre, viande et légumes par ailleurs quasiment introuvables. Nos deux cyclistes parcouraient quelques 80 kilomètres à bicyclette pour ensuite, après une courte pause, faire le trajet inverse avec le chargement de victuailles. Ci-dessous Suzanne et Ferdinand en route pour Ramoulu (1943)

Jules et Marius Pommereau sont quant à eux restés dans le village puisque établis : Jules comme charron puis apiculteur, Marius comme coiffeur. Après la guerre, Henriette et Ferdinand venaient régulièrement avec leurs petits fils (Michel et Jean-Claude) pour y passer des vacances. Bien que la maison fût longtemps sans électricité ni commodités, nous avons gardé un bon souvenir de nos séjours à Ramoulu.

A cet égard, il nous reste en mémoire le cérémonial de la mise en route, dès la nuit tombée, de la lampe à pétrole “Tito Landi” qui, quelquefois tombait en panne de carburant ou dont il fallait changer le manchon. Ces périodes de vacances étaient ponctuées par le passage matinal et sonore du laitier qui maniait ses bidons sans ménagement. Il était bien souvent précédé par le chant du coq ! le bruit des charrettes et des chevaux dont les fers martelaient le bitume de la route ainsi que les odeurs des fermes voisines, nous changeaient de l'environnement de Fontenay. Il fallait guetter le passage des commerçants qui passaient à jour et heure fixes en “cornant” pour manifester leur présence.

La fête à Ramoulu avec ses chevaux de bois et le bal “Deblinden” mettaient de l'animation dans le village, tout comme le passage de la batterie. le convoi de cette dernière était composé d'une batteuse et d'une presse. Il se rendait de ferme en ferme, tiré bruyamment par un tracteur “Société Française”, suivi des enfants dont c'était une des distractions favorites. Parmi les autres distractions figurait également le cinéma ambulant dont les films étaient projetés au café Marlet.

Autre souvenirs qui nous reste en mémoire : le passage de la Micheline sur la ligne Pithiviers Malesherbes. Elle se signalait, chaque jour, à heure fixe, avec sa sirène caractéristique, avant de faire une halte à l'arrêt de Marsainvilliers. De même que les convois militaires américains que nous apercevions au loin sur “la grand route”. Ces camions faisaient la liaison entre Orléans et Fontainebleau (*) à vive allure. Et il est arrivé, quelquefois, que la nationale soit déviée dans Ramoulu. Les chauffeurs US conduisaient dans Ramoulu comme sur la Nationale, “le pied au plancher” ce qui provoquait un vif émoi dans le village.

(*)nous avons appris par la suite que cet axe routier était classé “stratégic” par les Américains. Les conducteurs de camion ne devaient en aucun cas s'arrêter et étaient chronométrés sur le parcours.

S'ajoutait à cela le décalage horaire car nombre de personnes vivaient encore “à l'heure ancienne”, c'est à dire à l'heure légale moins une heure. A ce sujet, on peut imaginer le casse tête pendant l'occupation car les Allemands vivaient à l'heure de Berlin, ce qui faisait 3 heures différentes en usage à Ramoulu !

Pour nous, le dépaysement était total et c'était l'occasion de faire plein de découvertes pour ces petits “Parisiens” que nous étions. Comme on peut le voir sur ces photos, ce n'est pas la circulation automobile qui nous gênait !

Jean-Claude Michel

En 1955 les quatre frères Pommereau seront réunis, sans doute pour la dernière fois, à l'occasion des noces d'Or de Henri. Dans le groupe de quatre, on peut reconnaitre de gauche à droite : Jules, Ferdinand, Henri et enfin Marius.

Le retour de la famille Pommereau

En 1975, Pierre et Suzanne décidaient de prendre une retraite bien méritée après avoir travaillé durement à la boulangerie de la rue du Cherche-Midi à Paris. Gilbert et Yvette Morin, les locataires de la maréchalerie depuis 1937 ayant pris, eux aussi leur retraite, la maison familiale du 12 rue d'Auvergne était libre. Pierre souhaitait finir ses jours dans la maison qui l'avait vu naître.(Il est effectivement né au 1er étage de la maison)

Après quelques travaux d'aménagement intérieur, ils vinrent s'y installer et débutèrent une autre vie, celle de retraités. La rénovation de la façade sera faite ultérieurement comme le montre la photo ci-dessous.

Très vite ils se sont intégrés à la vie du village en participant aux activités dédiées aux anciens et surtout en étant très actifs au sein de la Paroisse. Pierre a vite retrouvé ses copains d'enfance qui, tout comme lui, étaient des Anciens Combattants. Ci-dessous une photo prise par le journal local lors d'une remise de décorations dont le nom des récipiendaires figure dans l'article.

La maison familiale (12 rue d'Auvergne) est donc devenue le point de ralliement de la famille et de nombreux événements y ont été fêtés.

C'est ainsi qu'entre autres, ils fêteront leurs noces d'or à l'été 1985. Ils seront accompagnés par toute la famille, à la mairie, puis à l'Eglise. A l'issue tout le monde se retrouvera au restaurant et le soir venu dans la maison familiale.

A L'Eglise Saint Pierre aux Liens de Ramoulu, Pierre et Suzanne auront la surprise de voir deux de leurs petits enfants servir la Messe. (Sylvie et Eric)

Une délégation Britannique viendra honorer de sa présence le repas familial. (Ici Joy, juchée sur un vélo, coiffée d'un béret, une bouteille dans la poche !)

Pierre et Suzanne ont partagé leur temps entre le jardinage, l'entretien de la maison, et la confection de gâteaux pour leurs proches. N'étant pas des “experts” en jardinage, ils ont eu souvent recours aux conseils éclairés de Gilbert et Yvette Morin leurs anciens locataires, désormais amis.

Pierre n'avait pas perdu son coup de main pour faire des «croquets», une sorte de gâteaux secs avec des noix ou des noisettes. Chaque année, pour l’Épiphanie, il préparait la galette que nous partagions tous ensemble. Pour eux, comme pour nous, c'était une époque heureuse.

Hélas, Pierre devait nous quitter au mois de juin 1995. Il avait 81 ans.

Suzanne, désormais seule, a continué à être très présente au sein de la Communauté Chrétienne. Elle est aussi restée très active intellectuellement en continuant à lire et à s'adonner aux mots croisés. A cela s'ajoutaient d'interminables et quotidiennes parties de Scrabble avec son amie Yvette, elle aussi devenue veuve.

Sur les dernières années de sa vie, diminuée physiquement, elle avait du mal à assumer son quotidien, notamment l'hiver car le chauffage était en grande partie assuré par une cuisinière à bois qu'il fallait approvisionner souvent… Par chance, elle a été soutenue grâce au dévouement de sa voisine Denise Poincloux et de son mari Raymond avec l'appui de Françoise Beauvallet. Qu'ils en soient ici remerciés.

Son état physique ne lui permettant plus de rester seule, elle pris la décision de se retirer à la maison de retraite de Malesherbes.

Suzanne est décédée peu après en juin 2009, à l'âge de 94 ans.

Quelques temps après, les biens appartenant à la famille étaient vendus. Dès lors, seule la présence de nos parents au cimetière laisse une trace du passage des Pommereau à Ramoulu.

Cependant, dans notre mémoire, Ramoulu et les souvenirs qui s'y rattachent restent profondément ancrés en chacun de nous. Du reste, pour le leur rappeler si besoin était, Michel et Jean-Claude ont chez eux une assiette peinte représentant l'Église de Ramoulu (*).

(*) Ces assiettes en bois étaient peintes par le neveu de Marie Rouillon qui résidait aux abords de l'Église. Elles étaient vendues lors de kermesses ou de ventes de charité.

ANECDOTES

Ramoulu, comme tout les autres villages a eu ses querelles «clochemerlesques»… Aussi, nous laisserons de coté les sujets graveleux ou blessants que nous avons eu à connaître, préférant transmettre à notre descendance un regard amusé et… amusant, sur notre passé et ses souvenirs.

Il s'agit là de souvenirs oraux, transmis au travers de la mémoire familiale.

Louis-Isidore et le moulin de la Guignochère

De notre grand-père Ferdinand, nous tenons ce souvenir qui concerne son père Louis-Isidore.

A l'une des sorties de Ramoulu, sur le chemin de la Guignochère (aujourd'hui rue du Moulin), se trouvait à quelques centaines de mètres, sur un léger promontoire, le moulin de la Guignochère (*). Notre grand-père Ferdinand nous a raconté à plusieurs reprises, que son père, sans doute dans un moment d’inattention, avait été happé par une aile du moulin qui était en fonctionnement à ce moment là. A l'instar des paysans de l'époque, notre Aïeul portait une blouse de toile, sorte de vêtement de travail très ample que l'on enfilait par dessus ses vêtements. Or, Louis-Isidore s'est approché des ailes du moulin et sa blouse s'est trouvée crochetée par l'extrémité d'une des ailes. Dans la soudaineté, il n'a pas pu se dégager et s'est trouvé emporté dans les airs. Il a fait un tour complet avant d'être projeté à terre, sans toutefois être blessé. Il en a été quitte pour une bonne frayeur et sans doute quelques douleurs.

Ferdinand a ajouté que les jeunes, dont il faisait partie, s'amusaient à saisir l'extrémité d'une aile et se laissaient emporter avant de lâcher prise et de retomber à terre. Des téméraires (ou des inconscients) auraient, parait il, fait une rotation complète comme Louis-Isidore…

(*) Le moulin de la Guignochère et l'habitation attenante ont été démolis et aujourd'hui, seule une photographie aérienne peut en signaler l'emplacement.

Le chien facteur

Notre aïeule Eudoxie Pommereau (née Hureau) était originaire d'un petit village des environs de Ramoulu, Orveau Bellesauve. La distance entre les deux villages est, à vol d'oiseau, de 7 kilomètres.

De mémoire orale nous savons que Louis-Isidore et Eudoxie possédaient un chien qui fréquemment quittait Ramoulu pour se rendre, par les chemins de traverses, à Orveau Bellesauve visiter la famille Hureau (Parents de Eudoxie). Le chien partait le matin et rentrait, selon son gré, le soir… C'est ainsi que les deux familles communiquaient en glissant dans le collier du chien les dernières nouvelles.

C'était une sorte de téléphone avant l'heure.

Voir également dans “La malle aux souvenirs” les documents relatifs à Louis Désiré Hureau et son épouse Adélaïde Julienne Audebert.

La traditionnelle coupe de cheveux

Autrefois, dans le village on ne disait pas je vais chez le coiffeur, mais «je vais aux cheveux». Notre grand oncle Marius et sa femme Marguerite tenaient dans Ramoulu (aujourd'hui 2, rue du Moulin) un salon de coiffure accueillant femmes et hommes. Dans le salon situé au fond de la cour étaient alignés, sur des étagères, des outils de coiffeur d'un autre âge…Sur la table en marbre, devant le fauteuil, se trouvaient étalés des paires de ciseaux, des tondeuses, des peignes et des rasoirs ainsi que des blaireaux pour faire la barbe. Sur une autre table était installé un appareil électrique servant à chauffer les bigoudis, tandis que derrière le fauteuil trônaient un lave tête et un séchoir électrique. Les murs de couleur verte étaient décorés d'affiches publicitaires pour le «Pento», le «Régécolor» ou la brillantine «Roja». La clientèle masculine réclamait souvent «une coupe de moisson». Il faut entendre par là, les tempes, les oreilles et la nuque bien dégagées, pour ne pas être gêné par les poussières et autres brins de paille durant les travaux de récolte.

Ci-dessous Marius et sa femme Marguerite dans leur cour. Au fond à gauche on distingue l'entrée du «salon de coiffure».

Donc, à chaque fin de vacances, Ferdinand nous conduisait chez son frère pour que nous puissions regagner la région parisienne les cheveux coupés de près. Cette perspective nous enchantait guère d'autant que chez l'oncle, il fallait se tenir «à carreaux» et que Ferdinand voulait avoir des compliments sur la bonne tenue de ses petits enfants…(ce qui était rarement le cas !). Comme nous étions petits, nous n'avions pas le droit au fauteuil de barbier, mais à un fauteuil sur lequel une planche, disposée en travers sur les bras, faisait office de siège. Cette coupe qui semblait durer des heures se terminait invariablement par la projection d'un liquide parfumé à l'aide d'un aérosol manuel, suivie de l'application d'une espèce de «Gomina» de couleur rouge étalée avec un bâtonnet. Ce «supplice» a duré des années, mais nous en gardons somme toute un bon souvenir rétrospectif.

En marge de cette anecdote amusante, il faut savoir que cette maison a été le témoin d'un acte courageux, voire insensé, d'un de nos parents Adolphe Pommereau : Durant la guerre de 1870 - 1871 les troupes prussiennes occupaient Ramoulu. Un soldat est venu pour réquisitionner la maison. Au cours de son inspection, il est monté dans le grenier au moyen d'une échelle. Notre ancêtre Adolphe, qui n'a pas apprécié cette intrusion dans sa maison, a fait pivoter violemment l'échelle de sorte que le Prussien a fait une pirouette suivie d'une violente chute, se cassant une jambe. Adolphe n'a dû son salut qu'à un mouvement de la troupe prussienne aussi rapide qu'impromptu.

(souvenir oral de Ferdinand)

Les premiers <<Stop>> dans Pithiviers

Un arrêté pris en juillet 1954 instaurait la pose de panneaux «Stop» en France. Pithiviers s'est donc vu dotée de cette nouvelle signalétique, totalement inconnue auparavant et dont l'usage était à découvrir.

Dans un premier temps, les Gendarmes ont tenu un rôle «éducatif» en expliquant aux contrevenants, le rôle du «Stop» et la bonne façon de le franchir.

Peu après la mise en service de ces panneaux, notre oncle Marius s'est fait interpeller dans Pithiviers après avoir «grillé un stop». Le Gendarme lui a expliqué l'impérieuse nécessité de s'arrêter et de ne redémarrer que lorsque la voie transversale était totalement libre. Durant ce cours de Code de la route improvisé, un brave pithivérien à vélo commettait la même faute. Le Gendarme lui expliqua donc qu'il fallait mettre le pied à terre avant de repartir. A cet instant, une automobile marquait correctement le «Stop» avant de virer. C'est alors que notre cycliste visiblement surpris, s'est adressé au Militaire en lui disant en ces termes : «Euh là, eh ben sti là (celui-là) il a point mis le pied par terre !» Le tout prononcer avec l'accent local en roulant bien les «R» comme il était de coutume chez nos anciens…

Cette anecdote nous fait encore rire aujourd'hui.

le canon anti corbeaux au carbure

Nous avions des voisins cultivateurs (aujourd'hui nous dirions des agriculteurs) qui, après les semailles de maïs, avaient installé dans la plaine un canon anti corbeaux. Cet appareil, un peu comme un canon, renfermait du carbure sur lequel tombaient des gouttes d'eau. Au contact de l'eau le carbure libérait un gaz qui, s'accumulant, explosait à intervalles réguliers en émettant une forte détonation censée éloigner les oiseaux. Or durant l'hiver, n'entendant plus les détonations, le père et le fils décidèrent de ramener leur matériel à la ferme. Au cours du rapatriement de l'outil installé dans la voiture , à la hauteur du cimetière de Ramoulu, le canon, sans doute réchauffé, s'est remis en route et une violente explosion s'est produite.

On imagine les deux passagers dans la voiture dont les vitres étaient fermées…. Cet incident, sans gravité pour les personnes, nous avait fait rire sans malice…

Henri et la perdrix

Notre grand oncle Henri «le Perruquier», passionné de chasse bien que n'étant pas une fine gâchette, aimait à venir les dimanches de chasse à la buvette installée dans un bois près de Cognepuits, point de rencontre les chasseurs. Il y a bien longtemps qu'il avait raccroché son fusil mais l'atmosphère de la chasse lui manquait. Un jour de chasse, alors qu'il cheminait en notre compagnie, précisément à proximité du «bois à Criton», il ramassa une perdrix blessée et désailée. Ce faisant, nous croisions d'autres chasseurs qui nous interpellaient, nous demandant si nous n'avions pas vu une perdrix blessée. Henri, qui se tenait nonchalamment les mains dans le dos avec la perdrix, leur dit avec amabilité «Non messieurs, nous n'avons rien remarqué». une fois le groupe de chasseurs passés il remit ses mains devant lui sans s'apercevoir que sa chemisette blanche portait une grosse tache de sang dans le dos !

Ce souvenir est encore bien frais dans ma mémoire alors que j'étais encore tout gamin.

La meule chez Robert

Robert Pommereau était le fils de Jules. A ce titre il reprit la charronnerie familiale installée 10 rue d'Auverne. Dans la cour se trouvait, adossée au mur de l'atelier, une meule à eau servant à l'affûtage des outils. La partie inférieure de la pierre trempait dans un réservoir d'eau et l'ensemble fonctionnait au moyen de manivelles disposées de chaque coté.

Lors des vacances d'été, notre grand père Ferdinand ramenait à Ramoulu tous ses outils à affûter pour son prochain retour à Fontenay Sous Bois. Un jour, rassemblant son matériel pour aller chez Robert, il nous demanda de venir l'aider pour faire tourner la meule. Cette «réquisition» qui ne nous satisfaisait pas du tout a fait que nous avons mis une mauvaise volonté évidente pour nous y rendre. Sur place, nous nous sommes ingéniés à faire l'opposé de ce qui nous était demandé. La meule devait être actionnée à une certaine vitesse suivant l'outil à affûter. Nous la faisions tourner, soit trop lentement, soit au contraire à grande vitesse arrosant les jambes de notre grand père au passage. Tout ça se déroulant sous l'oeil amusé de Robert et de son commis… Inutile de préciser que Ferdinand était furieux et surtout vexé que nous nous soyons comportés de la sorte devant la famille…. Peu avant de mourir, soit une dizaine d'années après cette «grève sur le tas», Ferdinand à dit à Michel : Je te pardonne pour la meule… C'est dire si la chose l'avait marquée.

Ci-dessous, en arrière plan derrière Ferdinand, on aperçoit une partie de la fameuse meule…

Même si nous regrettons, à posteriori, notre «action contestatrice», cet événement mérite de rester imprimé dans la mémoire familiale.

Monsieur le Curé

Il serait injuste de ne pas parler de l'Abbé François Richaud qui a fortement imprimé son passage à Ramoulu. Il a aussi marqué notre famille car il a été le témoin et l'acteur d'événements de la vie des Pommereau. Il a célébré des mariages, des baptêmes et aussi tous les enterrements de nos parents. De notre enfance, nous nous souvenons de la célébration de ses offices religieux auxquels assistait la presque totalité du village. Ses prêches étaient quelquefois impénétrables en raison de sa façon de s'exprimer, cherchant ses mots ce qui lui faisait perdre, parfois, le fil de son sermon.

Chaque messe voyait l'énumération des morts de la Paroisse et je me souviens que la liste, qui semblait interminable, se terminait à l'époque par le nom du dernier défunt : Praxédès Clavero. Il avait une intonation de voix si particulière, détachant toute les syllabes en appuyant sur la dernière, que nous avons pris un malin plaisir à l'imiter, mais ceci sans malice aucune.

Si il a été un bon berger pour ses paroissiens, en revanche il n'excellait pas dans l'art de la conduite automobile et lorsque enfants, nous le voyions au volant de sa 201 Peugeot nous nous rangions prudemment sur le trottoir ! Chacun aura en mémoire au moins une des «aventures» automobiles de Monsieur le Curé.

La Commune ne s'y est pas trompée, elle lui a rendu les Honneurs en donnant son nom à une rue de Ramoulu, ce qui n'était que justice. Quant à nous nous en gardons un excellent souvenir.

lieux/ramoulu/ramoulu.txt · Dernière modification: 29/10/2021 08:11 de eric