Rédigé par : Jean-Claude Pommereau Support technique, Éric Pommereau
Contributeur : Michel Pommereau
Avant de prendre connaissance de ce récit, il faut savoir que la retranscription du carnet de notes écrites pendant la guerre par Ferdinand Pommereau, a été scrupuleusement respectée. Seules les fautes d'orthographe ont été corrigées pour rendre la lecture plus confortable. Ferdinand n'est allé à l'école que jusqu'à l'âge de douze ans et il n'avait guère quitté sa région que pour effectuer son service militaire…..
Cette vidéo permettra de nous remettre dans le contexte de l'époque.
Nous étions complètement équipés. Nous touchions deux jours de vivres, soit deux boites de sardines, deux boites de pâté de foie, de la boisson, et nous embarquons le soir même à la gare d'Orléans. Et, à notre départ des dames de la Croix Rouge nous offrent des cigarettes. Je les accepte quoique cela me fait mal au cœur, car je pensais où j'étais conduit et principalement à ma bonne Henriette, à ma petite fille et à mon petit garçon. Je me demandais si j'aurais le bonheur de les revoir un jour, surtout en voyant tous les blessés que j'avais vu et des infirmiers ronchonner quand ils étaient dérangés de leur sommeil. Et nous voilà donc partis. En cours de route, nous avons vu les champs de bataille et un pont que le Génie reconstruisait. Nous sommes descendus à Clermont en Argonne. Le lendemain, 23 octobre, le pays était détruit. Il faisait nuit, et ce n'en était que plus triste. Ensuite, on nous dirige sur Courcelles. En cours de route, nous commençons à voir des fusées et des projecteurs. Au loin nous entendons continuellement le canon. Nous allons nous coucher dans une grange où j'ai mal dormi. Je suis éreinté.
C'est le canon qui me réveille et voilà qu'on appelle au café et, étant arrivé dans la nuit, je me présente aux cuisines d'où je me suis fait balancer. C'est vrai, je n'y avais pas droit étant parti d'Orléans avec des vivres pour deux jours. Comme nous nous sommes trouvés de réserve, nous avons été faire des marches et l'exercice, sac au complet avec deux couvertures. J'ai attrapé une bonne suée. On est rentré à onze heures. Mais, en arrivant, nous avons eu droit à une meilleure cuisine. J'ai bu une bonne gamelle de bouillon.
Au réveil, on demande ceux qui veulent aller à la Messe en armes mais sans le sac. Avec plusieurs copains de Pithiviers, nous y allons. Dans la compagnie, nous sommes à peu près vingt du coin. A la Messe, il y a une vingtaine de soldats qui ont communié. La Messe était dite par un prêtre qui était adjudant de bataillon. Après la messe, nous avons eu nettoyage de cantonnement et comme la compagnie était de jour, nous n'allons pas à l’exercice. Ceux qui sont en première ligne n'ont pas de repos car on entend le canon. Nous avons la rivière de l'Aire à côte. Aussi, dans l'après midi, j'ai été faire mon lezard avec mon ami Joly. Le matin, la messe a été dite à l'église d’Aubreville.
A 6 heures, départ pour la présentation au drapeau. La revue est passée par le Général Gouraud qui commande la Brigade. Il nous félicite à part le 46ème qu'il n'a pas encore vu. C'est notre Régiment qui a le mieux défilé. La revue a été terminée à 9 heures.
Le matin, service en campagne. En cours de route, on nous prévient qu'il faut être prêt à partir de 11 heures et il est 10 heures et demi quand nous rentrons. On mange vite et l'on est prêt. J'ai un moment donc. J'écris une carte pour pouvoir simplement souhaiter le bonjour à Henriette et, à 11 heures, nous voilà partis avec des territoriaux du 33ème de Sens et des jeunes qui combattent depuis le commencement. Nous avons des mitrailleuses. Quand le 33ème est parti d'Orléans, ils étaient 2700 et aujourd'hui, ils sont à peu près 600 de reste en tout. Donc, c'est le 40ème territorial d'Orléans et le 33ème territorial de Sens qui réforment le Régiment. Dans toutes les marches et cantonnements, pas un mot. Nous voilà donc partis de Courcelles, nous traversons Aubreville. Deux maisons ont été brûlées à la sortie du village. Nous quittons la route d'Avocourt et direction Verdun. Et nous descendons la vallée où je dis à mon copain Joly : vois tu la ville où est ton frère? et plus nous marchons, plus nous rapprochons de l'ennemi. Je lui dis, que penses tu? Va t'on prendre la garde cette nuit? Il me dit, autant cette nuit qu'une autre… Le travail fait vaut bien celui à faire. Nous arrivons sous bois, nous marchions en file indienne. Nous allons prendre la garde dans un poste avancé que nous ne connaissons pas. Voilà donc que les copains nous disent : “le plus grand silence et surtout de ne tirer qu'au dernier moment”. La nuit a été dure, longue, mais s'est bien passée. Je n'ai pas pensé à dormir car nous entendions des balles de temps en temps. Ah ! dans quelle position nous étions toute cette journée. Les 24 heures m'ont paru 8 jours. Quand vient le matin, le cuisinier nous apportait le café et voilà que des balles arrivent vers lui. Le voilà donc sauvé et il nous fallait rester nos 24 heures. Je n'ai pas songé à manger de la journée, ni aller aux cabinets. Sur 12 que nous étions, il n'y en qu'un seul qui y est allé. On avait pas le temps. Vers 6 heures on vient pour nous relever, et voilà une terrible fusillade engagée. Je me suis sorti de la tranchée comme j'ai pu en me trainant pour rejoindre le grand poste pendant que la fusillade continue. Je me croyais perdu.
Nous avons fait une pas trop mauvaise journée dans le grand poste où nous étions bien abrités.
Nous étions dans un bois, environ à 800 mètres de l'ennemi. J'ai bien dormi mais pas au chaud. Il y en a qui se plaignaient plus que moi du froid. Mais, là, on était encore pas mal. On pouvait fumer sa cigarette. A 10 heures, on nous apporte le jus. Toute la journée, on est occupé à voir l'ennemi faire une tranchée près des nôtres et je plains ceux qui vont prendre ce poste que nous occupions et le soir on nous prévient de laisser nos couvertures sur nos sacs. Et, peut-être une heure après, voilà le 31ème qui arrive nous remplacer, et l'on part sous bois et à une heure on campe au milieu du sous bois sous un abri (c'est à dire quelques branches au dessus de nous et dans l'eau.)
Nous sommes contents de boire un peu d'alcool avec notre jus et nous revoilà partis à travers bois. Le canon gronde et on entend dire que nous allons encore en première ligne. En cours de route, je rencontre des copains qui me disent : mon vieux Pommereau, là où tu vas, prends bien garde à toi… Il en manque déjà pas mal. Nous montions donc la forêt de Hesse. Nous arrivons en réserve. Nous voyons nos copains du 40ème qui reviennent sur des brancards, blessés. On les avait fait aller à l'assaut sur l'ennemi qui était bien retranché. Ca faisait la 5ème fois. Il y avait des chasseurs alpins qui avaient échoué 3 fois et nous 2 fois. Et l'on aurait bien essayé 50 fois que l'on y serait pas arrivé. Nous sommes restés à camper jusqu'au lendemain neuf heures. Entre temps nous avons été chercher les fusils et équipements des blessés et une partie de ces blessés ont passé la nuit dehors. Il manquait d'infirmiers et en plus, beaucoup de chemin pour rejoindre les ambulances. Pour notre repas du soir, nous touchons deux tablettes de chocolat et une boite de thon pour douze, ainsi qu'une boite de sardines pour trois. Et nous descendons camper dans le bas d'une montagne où l'on est resté la journée à tailler des piquets que nous montons à la nuit en avant des lignes. C'est un jour terrible pour nous. Nous pouvons avoir 170 blessés et 30 morts. En fait partie Jaury de Bondaroy.
On redescend, encore de la haut, de la forêt. Nos camarades nous racontent leurs craintes de la veille et nous voilà donc partis porter nos piquets où nous nous sommes fait canarder, mais sans accident. Nous prenons comme repas un potage condensé et un thé. Ensuite, on se couche sous de gros sapins. A peine endormis, on vient nous réveiller pour aller approvisionner les copains qui sont en premières lignes.
Au réveil, on nous distribue des vivres pour quatre jours. On se demande ce qui va encore se passer. Nous touchons un litre de vin pour deux hommes, une goutte d'eau de vie et ensuite, sac au dos pour remonter en haut de la crête. Là, on nous fait faire des abris où nous avons passé une journée tranquille. Le soir, vers huit heures, voilà une fusillade qui éclate. on nous réveille et on roule nos couvertures, prêts à partir. Mais ça n'a pas duré. Nous n'avons pas bougé.
Nous avons passé la nuit sous des abris peu doux. Il est tombé de l'eau une partie de la nuit. J'ai tout de même dormi un peu malgré le mauvais temps. A l'instant où j'écris, je suis obligé de m'arrêter car les obus ennemis tombent pas bien loin de moi. On vient de nous apprendre que ce soir on retourne en premières lignes, ce qui ne me fait pas plaisir.
Nous avons touché 200 cartouches car on s'attend à une attaque. Il y a eu quelques escarmouches. Ensuite, je suis désigné pour les corvées des… Et, dans mon retour, je rencontre mon copain Hemmery qui me demande si je n'étais pas mort. Il m'a fait voir où ce pauvre Jaury était enterré, sous des pommiers. Ils étaient 26 de rang. Le soir, c'était la bombe : une goutte de vin et on s'en va des tranchées pour aller se reposer à Courcelles pendant quelques jours. On est chargé comme des ânes.
Nous sommes rentrés vers 10 heures du soir bien esquintés et, en arrivant, nous nous sommes fait un café. Et, après, nous avons été nous coucher dans une grange où j'ai dormi tranquillement. Je me croyais dans mon lit. Dans la journée, on a fait un peu de nettoyage de cantonnement, et, la journée s'est très bien passée.
On nous apprend que mon escouade est de garde à Courcelles et moi, je suis comme homme de liaison, ce qui n'est pas dur. Je suis le nez au soleil, j'aperçois un aéroplane allemand. C'est le premier que j'aperçois depuis quinze jours que je suis dans ce pays où l'on ne trouve absolument rien. On est donc obligé de faire des économies.
Etant de repos, exercice toute la journée. Le matin, j'aperçois des soldats qui arrivaient, voilà que je vois Eugène Beauvallet dans le détachement.
Dans la nuit, l'ennemi a fait l'attaque que nous avions fait l'autre jour. Moi, me trouvant fatigué, je ne l'ai pas entendu. Le soir, j'ai été voir Lepage le Charron d'Aulnay. Donc, j'ai été bien reçu. Apres avoir dîné à mon escouade, il m'a offert sa gamelle que j'ai acceptée. Lui, il n'avait pas faim car, tout l'après midi, ne sachant que faire, il avait fait des frites. Son bon cœur a voulu m'offrir sa gamelle et je suis reparti me recoucher avec les copains. Le midi, en arrivant de marche, on nous apprend notre départ de Courcelles. On ne prend pas le temps de manger, on s'équipe au galop. Moi, j'avais justement une chemise et un caleçon mouillés…. J'ai couru trouver Lepage qui s'est mis en quatre pour moi. Il est même venu me les chercher pour les étendre dans sa chambre. Et, après, étant sur les rangs, on vient nous dire que l'on ne partira plus. On en profite pour avoir repos l'après midi.
Nous étions une dizaine de soldats et, nous avons profité, que nous étions au repos, pour aller à la messe qui était dite en plein air dans un pré de Courcelles , au long d'une rivière. En tête, j'ai remarqué plusieurs officiers dont notre Colonel. Ensuite, nous sommes rentrés et nous avons nettoyé notre cantonnement et, repos tout l'après midi.
Le matin, on nous apprend notre départ de Courcelles pour midi. Dans la matinée, on se prépare et nous voilà donc prêts à partir, chargés comme des bourricots. Nous avons des vivres pour notre journée et 200 cartouches. Nous avons 13 kilos à tirer. Nous avons passé par Lochères et nous nous dirigeons sur Le Claon qui se trouve à la lisière de la Marne et de la Meuse. Nous couchons dans une grange où il y avait beaucoup de foin. On était très bien couché. Ce qui est le plus triste c'est que nous avons été obligé de partir dans la nuit.
Il est une heure du matin. On vient nous apprendre notre départ pour retourner rejoindre d'autres tranchées que nous n'avions pas encore occupées. Nous avons passé par La Chalade et nous voilà arrivés vers quatre heures pour relever le 313ème qui est la réserve de Blois. Nous trouvons des tranchées très confortables, elles sont couvertes. Nous sommes en réserve d'avant poste et, pour nous occuper un peu, on refait le passage des tranchées.
J'ai pris quatre heures de faction dans la nuit que j'ai passé très mauvaises. J'étais obligé d'aller aux cabinets à chaque instant étant de faction. Heureusement que les sentinelles étaient doubles et puis, en rentrant, il fallait que je passe par dessus mes copains, et, bien pis, sans lumière bien entendu, je me faisais tutoyer en passant sur eux.
Le jeudi, nous avons refait la même chose. Toute la nuit dérangé…,je me suis fait porter malade. Voilà donc que le sergent de semaine me descend des tranchées pour aller à la visite où je suis reconnu. Et je reste comme malade dans le chateau de la Chalade, petit pays à 2 kilomètres du Four de Paris.
Après avoir passé une bonne nuit, je repasse la visite où je suis maintenu, ce qui me fait plaisir car j'apprend que ma compagnie est repartie en premières lignes. Dans la journée, on est bien tranquille. On a du feu et à peu près ce qu'il nous faut. Et, de plus, on va chercher des pommes où il y en a des litières, et depuis un mois on tire la langue.
J'ai encore passé une bonne nuit. Meilleure que mes copains qui étaient dans les tranchées car il a tombé de l'eau une partie de la nuit. Et je repasse la visite. J'avais à faire à de bons infirmiers, mais qui n'ont pu empêcher mon départ. Donc, me voilà prêt à partir. Il est deux heures de l'après midi et il tombe de l'eau, ce qui ne me fait pas plaisir. Mais il faut partir quand même. On vient de se faire un bon beafteck et un café, et on prend son barda… En route ! on a du chemin.
Dans la nuit il tombe de l'eau. Je suis sentinelle en avant poste. Je me cache derrière un gros chêne. Les balles me sifflent toute la nuit. On prend la faction toutes les heures rapport à l'eau. Nous sommes traversés, et puis, à 5 heures, on est relevé. Et on prend la route pour Le Claon.
Nous sommes au repos. On étend son linge pour le faire sécher, mais il n'y a pas de soleil. Moi, j'ai de la chance, je vais voir Le Page le charron d'Aulnay. Donc je lui ai remis ma couverture. Il me l'a fait sécher le long de son poêle.
Encore repos. La compagnie est de garde. Mais j'ai de la chance, on s'arrête à deux devant moi. Donc je vais laver mon linge dans de l'eau pas trop propre et sans savon.
Repos. J'ai fait une très bonne nuit dans la grange où l'on loge. Nous avons beaucoup de foin. Le matin c'était la bombe car le soir j'avais eu un litre de vin blanc à 80 centimes et j'avais acheté la veille un camenbert à 1 franc 20. J'ai déjeuné au lit. Donc j'ai fait un copieux dejeuner et, l'après midi, revue d'armes et d'effets. la journée s'est très bien passée. Il y a deux jours que les gels ont commencé.
Le gel continue. Nous allons mettre du cailloux sur la route.
Nous sommes employés à démolir la briqueterie toute la journée.
A une heure, dans la nuit, on nous apprend notre départ du Claon, et l'on part à quatre heures. En cours de route, on entend dire que nous allons à la Chalade. En effet, on nous loge à l'école. J'ai pu envoyer un bon point à Fernande. A huit heures, on nous dit que la compagnie est de service. Moi, je m'en vais donc garder un pont avec cinq de mes camarades et un caporal. Au poste nous avions en consigne un taureau, une vache et un veau à soigner. Le midi, nous étions chez nous. Nous avons mangé à table conserves, soupe, mironton, frites, café et thé. Puis l'après midi, nous avons trouvé : des haricots que nous avons écossés pour manger le soir, puis des lits pour nous coucher. Tout est à notre disposition.
Malgré la misère que nous avons déja eu, voilà déjà un mois de passé, et que je suis parti d'Orléans. Ce matin, nous avons fait le chocolat avec le lait de la vache que nous avions en consigne. Nous avons couché dans de bons lits et la garde a été relevée à 7 heures. Et on est retournés recoucher à la Chalade.
Le dimanche, j'ai été à la messe à la Chalade. Et, dans la nuit du Dimanche au lundi, nous sommes partis à deux heures pour les tranchées au dessus du Four de Paris, pays détruit à part une maison. Etant dans les tranchées, je suis désigné comme homme de liaison. C'était pour aller auprès du Commandant au Four de Paris et rester à sa disposition, chez lui, au bureau de commandement qui était dans le bois. Nous étions avec des chasseurs à pied du 18ème. Nous avons fait une bonne journée. Mais, le soir, nous dit on pas que le Régiment était attaqué… On nous fait équiper le sac à dos et, prêts à partir, un coup sortis de la maison, on nous dit d'attendre et de rentrer. Et voilà tout ce qui en a été. Vous parlez de respirer une couple d'heures. Après, vers les neuf heures, on parle de se coucher. Il y a un chasseur qui m'a invité à coucher avec lui, sur un sommier. Donc j'ai fait une bonne nuit.
Mon camarade me réveille et me dit qu'il fallait partir de suite. Lui, le voilà parti et me laisse car moi j'étais déséquipé et déchaussé. Je ne savais pas comment faire. Je fais les trente pas devant la porte et, tout à coup, je vois mon copain revenir en me disant de rester. Encore un coup de manqué et la journée est bonne. Nous n'avons rien commencé.
J'ai passé une bonne nuit, sur mon sommier, avec mon chasseur à pied du 18ème. On se lève à six heures trente et la neige commence à tomber. Et, à midi, la terre est couverte de neige qui continue de tomber. Je suis toujours homme de liaison. Je suis très heureux auprès de mes camarades qui sont dans les tranchées. Je n'ai peur que d'une chose : de ne pas y rester assez longtemps, assez bien couché sur mon sommier et pas mal nourri avec mes chasseurs du 18ème. Café et thé à volonté.
Je suis toujours homme de liaison avec le 18ème Chasseur. Il y en a qui nous racontent qu'ils sont à 15 mètres des Allemands et que certains ont échangé des cigares pour de l'eau de vie. Ils se les jettent de l'un à l'autre. Et, cet après midi, il en arrive un autre qui nous dit avoir vu un chasseur passer un quart de vin à un allemand. Ils sont bien ensemble.
Je n'ai pas fait une si bonne nuit que d'habitude car il y en avait un qui avait pris ma place. Moi, j'ai couché sur le parquet, sous une table afin que l'on ne marche pas sur moi. Chose bizarre ce matin, il y a un chasseur qui nous raconte qu'il y a des Allemands qui ont échangé du pain avec des chasseurs. Même qu'à une tranchée, ils ont fait une manille ensemble. Chose épatante et pourtant réelle. C'est arrivé au 18ème Chasseurs à Pieds, 6ème Compagnie. La neige à fondu.
(voir également la page “anecdotes” en fin de page)
Dernier jour à passer avec nos chasseurs qui vont au repos, et sont remplacés par le 328ème d'Infanterie. Ce qui nous fait passer une mauvaise nuit car nous avons toujours du va et vient.
Nous sommes toujours en attendant des ordres. Les obus tombent toujours de temps en temps, à 100 mètre environ. En voilà plusieurs qui tombent. Même qu'il y en a un qui est à peu près à 50 mètres de la maison et il n'a pas éclaté. Hier, j'ai pris un éclat d'obus qui était encore brûlant. Il est venu jusqu'à la maison.
Je pense que je vais faire une drôle de Saint Eloi. C'est vrai que depuis quatre mois, on ne connait plus les jours de fête. Je suis toujours homme de liaison avec le Commandant Beaudeau et le Général Broclin. Je ne peux être plus heureux.
5ème mois de mobilisation. Nous venons d'apprendre la triste nouvelle : Nous sommes obligés de rejoindre les tranchées. Et nous apprenons après que le Commandant Beaudeau venait de se faire tuer en faisant une patrouille ainsi que deux hommes. Etant aux tranchées, on nous apprend qu'il faut s'attendre à une attaque le soir, ce qui ne me plait guère.
nota : le nom du Commandant Baudot a été mal orthographié par Ferdinand mais laissé tel qu'il est rédigé dans le carnet.
Notre attaque a été sans résultat. Une simple peur et quand il n'y a que cela, tout va bien. Mon copain a été à l'enterrement du Commandant Beaudeau et des deux hommes à La Chalade. Il a été enterré en face de l'église. Lui, il avait un cerceuil.
Nous sommes toujours aux tranchées où nous n'avons pas chaud aux pieds. Il fait toujours humide et l'eau traverse la toiture de nos maisons et l'on ne peut y faire du feu car on voit trop la fumée. C'est le jour où Louise m'a envoyé ma pipe. Il a fait une belle nuit. J'ai lu mes lettres au clair de lune.
A cinq heures le matin, on est relevé pour aller au repos à La Chalade. Nous sommes très bien dans une maison évacuée. Nous couchons dans des lits. C'est triste à voir tous ces meubles ouverts.
A neuf heures on nous apprend qu'il y a une messe. J'y suis donc allé et, nous avons eu une jolie cérémonie. L'après midi, j'ai été aux vêpres. De cette manière, je me suis aperçu que le dimanche a passé vite. Le midi, j'ai été déjeuner avec Bouvard d'Ezerville et j'ai fait un bon repas. L'après midi, j'ai vu Albert Parrot et Georges Moulin.
Depuis que nous sommes au repos, il a toujours tombé de l'eau et, ce qui est le pire, c'est que nous retournons aux tranchées cette nuit.
On est toujours au repos, en alerte au cantonnement. Donc il faut être en tenue prêts à partir. C'est le jour où j'ai écrit à Madame Jaury de Bondaroy. Son pauvre avait été enterré le deux novembre, vers les dix heures du matin, à 1500 mètres environ de la Commune de Vauquois, au Mont allieux.
Le soir, nous avons été désignés de garde aux issues et, à minuit, on nous apprend que nous partons aux tranchées à quatre heures du matin.
Nous sommes arrivés dans des tranchées non finies. Elles avaient à peine 80 cm de profondeur.
Il tombe de l'eau jour et nuit. On a les pieds traversés. On roupille à force de fatigue.
Encore de l'eau et nous continuons à finir nos tranchées. On abat des arbres pour les couvrir. On en avait encore pour une journée à les finir et, à minuit, on nous dit que l'on part le matin à quatre heures.
Nous arrivons au repos à La Chalade, et, à 11 heures il tombe un obus sur notre maison.
Il tombe de l'eau et ils nous canardent. Nous étions en train de manger sous un petit hangar derrière, et voilà un obus qui tombe à la même heure qu'hier. Même qu'il est tombé des éclats où nous étions en train de manger. Il a fallu se sauver à la cave.
Les Ramoulu sont arrivés me rejoindre. Ca m'a fait plaisir de trouver des pays. Aujourd'hui, nous sommes tous mal fichus car nous avons été vaccinés hier à quatre heures contre la typhoïde. Et les obus continuent de tomber.
Nous sommes toujours au repos.
On est de garde à La Chalade et on doit partir aux tranchées, dans la nuit. Nous étions logés dans une cave.
Dans la nuit il y a eu contre ordre. On n'est pas parti aux tranchées. On s'y attend pour cette nuit et il tombe toujours de l'eau.
A minuit, on nous apprend que nous remontons aux tranchées au Four de Paris, A quatre heures: départ, et rien que de l'eau. Nous avons de l'eau plein nos souliers en passant dans les boyaux, pour aller rejoindre nos tranchées. Je suis resté jusqu'au lendemain à 11 heures les pieds traversés. Mais, on a pu faire un peu de feu.
L'eau continue. Les tranchées ne sont pas couvertes. Nous avons mis des toiles de tente pour nous faire des abris. La première nuit, j'ai dormi une demi-heure et la deuxième une heure. Ca me prenait dans les jambes, je ne les sentais plus.
Il fait plus beau. Il est tombé des obus en avant et en arrière de la tranchée.
A minuit, on nous apprend que l'on redescend à la sapinière du Four de Paris en compagnie de réserve. La neige commence à tomber. A quatre heures et au jour, la terre est couverte, mais ça ne continue pas.
Nous avons eu une surprise, nous allons au repos à La Chalade.
Toujours au repos. Le 25, on a été revacciné contre la typhoïde.
Nous sommes de garde à la police et l'on doit repartir aux tranchées dans la nuit. Hier, j'ai fait deux bons repas avec Eugène Beauvallet.
Nous sommes toujours au repos à La Chalade. Nous avons eu une surprise car on croyait rester que deux jours et voilà sept jours que l'on y est.
Nous sommes encore au repos. Ce jour, j'ai vu fusiller 3 soldats de la 1ère Compagnie du 76ème d'infanterie pour abandon de leur poste. Dans la nuit, on doit repartir de La Chalade.
(voir également la page “anecdotes”)
Nous partons à quatre heures au Four de Paris où se fait une attaque avec les Garibaldiens. La Compagnie devait y prendre part, mais y a coupé. Nous restons en seconde ligne.
Nous faisons une tranchée en avant et, les 11, 12 et 13, j'étais de nuit. Et mon copain Potier s'est fait tuer. Et, le dimanche 17, nous avons été relevés du Four de Paris pour aller au repos. Nous passons par La Chalade, Le Claon, et de là, on est conduit en autobus en passant par le Neuf Four, Les Islettes, Clermont en Argonne, et on arrive à Auzeville où nous sommes de repos. Nous y restons jusqu'au 26. Quand je suis arrivé le 17, nous avons fait la pause devant l'église et j'ai pu aller aux vêpres en restant tout équipé. Le dimanche 24, je suis retourné à la messe et aux vêpres. L'église était jolie et j'étais avec mon camarade Jost. Le 26, nous voilà donc repartis pour Clermont où nous étions logés sous un hangar bardé de planches, à coté de la gare. Nous n'avions pas chaud. Il a gelé pendant quatre ou cinq jours. Le 3 février nous partons pour Les Isiettes, en foret d'Argonne, à la limite des départements de la Meuse et de la Marne. Nous avons tous le cafard de retourner aux tranchées ces jours-ci.
Nous avons fait des crêpes dans la tuilerie de Clermont.
Je rentre aux conducteurs où je trouve un changement de vie.
J'ai conduit le Lieutenant à Braux Ste Cohière.
Je me casse la jambe. Je reste deux jours à l'hôpital de Clermont et, voilà justement que les Boches ont fait une attaque à la cote 263 et cela nous a fourni pas mal de blessés. Je suis parti le 13 de Clermont. Il tombait beaucoup d'eau. Nous étions un convoi de 750. Nous sommes passés par Saint Dizier, Dijon, Lyon, Valence, Toulon, Cannes et Nice. Cette traversée a duré trois jours depuis le 13 juillet jusqu'au 16 où je suis arrivé à Nice.
Sur la photo, Ferdinand se trouve au premier plan.
Ferdinand POMMEREAU hôpital temporaire n° 11 REGINA Hôtel 6ème Division lit 46 P NICE (Alpes Maritimes)
J'en suis sorti le 16 janvier 1916. Après avoir passé trois mois de convalo chez nous, j'ai rejoint mon dépôt. Et le 8 juin, on m'annonce que je pars pour Le Havre faire des obus de 155. Le 26, j'ai donc passé ma contre visite où j'ai été maintenu service auxiliaire.
Ici s'arrête le carnet de route de Ferdinand. Après une convalescence de 3 mois à Ramoulu, affecté au 40ème Régiment Territorial en qualité d'ouvrier militaire, il partira au Havre (Seine Maritime). il y sera rejoint par sa femme Henriette, accompagnée de ses deux enfants : Fernande et Pierre (voir). La famille Pommereau résidera sur les hauts du Havre à Sainte Adresse. Ferdinand travaillera jusqu'à la fin de la guerre aux tréfileries et laminoirs du Havre.
Avant de clore ce chapitre, il est nécessaire et important de noter que les trois frères de Ferdinand : Jules, Henri et Marius ont eux aussi été soldats durant ce conflit. Par chance les quatre frères Pommereau ont survécu à la guerre.
Voir la page anecdotes qui traite également de la guerre.