Rédigé par : Jean-Claude Pommereau
Contributeur : Michel Pommereau
Support technique : Éric Pommereau
Pierre et Suzanne se sont installés à Fontenay Sous Bois en 1937. Ils ont repris la boulangerie pâtisserie qui se trouvait au 101 avenue de la République. La boutique se prolongeait par une pièce à vivre et le fournil. En montant au premier étage où se trouvait une chambre, on accédait à un jardin étroit et tout en longueur, puis au garage donnant dans la rue des Prés-Lorets. Dans un même temps, Henriette et Ferdinand se sont installés, tout à coté, dans un pavillon Villa des Prés-Lorets. Ils hébergeront chez eux leurs petits enfants, Michel et Jean-Claude.
La clientèle de la boulangerie était composée d'habitants du voisinage, petits propriétaires, rentiers ou ouvriers. A cette époque les relations humaines étaient celles que l'on pouvait vivre dans un village.
A peine s'étaient ils fait à leur nouvelle vie que la guerre est intervenue en 1939. Pierre a du répondre à l'appel de mobilisation et partir. Il ne reviendra à Fontenay que le 1er mai 1945, après un an de guerre et cinq années de captivité. (voir “Pierre guerre et drôle de guerre”) Des voisins et amis, la famille Monteillet, avaient quant à eux préféré “se débiner” plutôt que de voir les “gueules de Boches”. ils ont glissé cet amical petit mot dans un courrier que Maman destinait à Papa…
Durant la guerre, puis pendant l'occupation, Suzanne, seule avec Michel, a du tenir la boulangerie aidée de Ferdinand et Henriette, après le court épisode de “l'exode” qui les avait jeté sur les routes. cf cette lettre ci-dessous datée du 11 juin 1940
Sous l'occupation, et en raison des risques de bombardement, la boutique s'était ornée de bandes censées protéger des bris de vitres en cas de bombardements (ce n'était pas une fantaisie mais une obligation légale).
Durant ces cinq années, Suzanne a mené de front une vie de mère, de femme dont le mari est prisonnier, de commerçante avec tous les impératifs de gestion d'autant plus difficiles que l’approvisionnement était aléatoire. Sans compter, bien entendu, la réalisation et la vente du pain et des viennoiseries…Il fallait également comptabiliser et vérifier les tickets de rationnement. Ces derniers seront utilisés encore après la guerre, comme ceux ci-dessous.
Suzanne a trouvé du soutien au sein de la famille et parmi les voisins proches. Comme on peut le voir sur ces photos ci-dessous, la vie a continué malgré les vicissitudes de la guerre. Ici en 1943, on fête l'anniversaire de Michel, hélas sans Pierre. Sur l'autre photo, également en 1943, un déjeuner chez les Leconte qui habitaient à quelques pavillons de la boulangerie et qui avaient pris Michel en affection.
Durant cette période sombre qu'était l'occupation d'autres voisins et amis, les Sauvannet, conviaient Suzanne à des balades en vélo, seul loisir gratuit et accessible.
Michel profitera de la tranquillité de la rue des Prés-Lorets pour apprendre à faire du vélo sous l'oeil de Ferdinand, et aussi à s'initier à la pratique du patin à roulettes. Compte tenu des événements, la circulation automobile étant quasi inexistante, la rue sera un formidable espace de jeux et de liberté.
Jean, le fils de nos voisins Lucien et Germaine Rousseau, sera en février 1944, le vainqueur d'une course de vélo disputée dans la Capitale, dont la ligne d'arrivée était sur la butte Montmartre. Une photo dédicacée par le champion restera en souvenir dans la famille.
La libération de Fontenay sera le théâtre, pour Suzanne et Michel, d'un incident qui aurait pu très mal tourner et qui est narré par Suzanne dans son “Témoignage sur la libération de Paris”. Sur ce même site et dans la même rubrique, Michel apportera ses souvenirs d'enfants.
En marge de cet événement, Suzanne aura toutes les peines du monde pour dissuader Ferdinand qui avait entrepris d'aller à Vincennes pour voir la tête que faisait “les Boches” en partant. Il ne savait pas qu'à ce moment un drame se jouait au château de Vincennes. (Voir la page consacrée au récit des rescapés du Fort de Vincennes)
Sur les traces des soldats Allemands, les premiers GI sont passés remontant l'avenue de la République comme en témoigne ces clichés de l'époque. Tout le monde voulait voir et fêter “les Libérateurs”. Michel ne sera pas le dernier à grimper sur le Tank destroyer que l'on voit ici, à droite.
Peu après, Fontenay enterrait les morts de la Libération dans une poignante cérémonie…
Il faudra attendre 9 longs mois d'incertitude après la Libération pour que Pierre rentre à la maison…
Dès son retour d'Allemagne, le 1er mai 1945, Pierre a recommencé son travail de boulanger et les choses ont repris, peu à peu, leur cours normal. Le jour de son retour, il neigeait sur la Capitale et il est remonté du carrefour des Rigollots les pieds dans la poudreuse.
Ces deux clichés ont été pris dans la semaine du 8 mai 1945. A gauche Pierre est de corvée de balai. Sur la photo de droite, Pierre, Suzanne et Michel devant la maison des Leconte pavoisée comme toutes les autres maisons des alentours.
Le commerce a repris ses droits et il a fallu trouver à s'approvisionner en farine et en ingrédients pour confectionner pains et gâteaux, et aussi pour chauffer le four.
Outre la vente à la boutique, des livraisons de pains dans des dépôts étaient assurées quotidiennement au moyen d'une camionnette Citroën (C4 Rosalie). Cette dernière avait été cachée par Ferdinand durant toute la période de l'occupation. Le four de la boulangerie était chauffé, pénurie oblige, avec des copeaux de bois récupérés ça et là dans des entreprises. La “moisson” effectuée, commençait alors, sur place, la mise en sacs des copeaux pour pouvoir les transporter dans la voiture en vue de les rapatrier à la maison. Il arrivait quelquefois que Papa perde un ou plusieurs sacs au cours de sa “collecte” dans Vincennes ou Fontenay. Ferdinand avait pourtant adapté, sur l'arrière, une échelle comme sur les charrettes, pour accueillir et retenir plus de sacs ! La camionnette servira des années durant pour transporter la famille au complet, notamment pour les vacances et également, comme on le voit ci dessous pour aider au transport des bagages de la “meute 1ère Fontenay” de la Paroisse Sainte Marguerite.
Le louveteau qui, au premier plan, tire la langue, c'est Michel !
Le 13 août 1946, au premier étage de la boulangerie, naissait Jean-Claude.
Durant cette période un peu particulière, Michel était parti en vacances chez des parents de notre oncle François Collet à Comblessac (Ille et Vilaine). Au travers de ses lettres, on peut remarquer que son séjour à “la Ridelais” chez la famille Chotard se passera au mieux !
Sur ce dernier courrier ci-dessus Michel s'inquiète de savoir si “Il est arrivé”… On remarquera que déjà, il était passionné d'avions et de combats aériens.
Jean-Claude est donc bien arrivé ! il est ici avec Ferdinand, Suzanne et sa cousine Geneviève Bergerot née dans la même période.
La guerre ayant généré des frustrations, toutes les familles ou les groupes d'amis cherchaient à oublier cette période sombre en faisant la fête. Notre famille n'a pas échappé à la règle et toutes les occasions étaient bonnes pour se réunir. Ici, ce sont d'anciens camarades de captivité de Pierre qui se sont retrouvés à Fontenay avec leurs familles.Chacun goûtait le plaisir de s'en être sorti…(voir la rubrique “Pierre guerre et drôle de guerre”)
La famille n'était pas oubliée. Ainsi les cousins Bergerot venaient à Fontenay une à deux fois l'an pour des retrouvailles. Pour eux, il s'agissait d'une véritable expédition car, venant du centre de Paris, ils devaient prendre le métro jusqu'au Château de Vincennes et ensuite prendre le 118. Avec trois enfants dont un nouveau né, ce n'était pas simple, d'autant que les transports en commun restaient limités.
Sur ce cliché de 1946, de gauche à droite : Suzanne avec Jean-Claude, Raymonde avec Geneviève, Françoise avec Claude derrière elle, et Jean Coudeyrette
Fontenay reste pour nous le synonyme d'une vie insouciante, celle que l'on mène lorsque l'on est encore enfant. Notre environnement est ici illustré avec quelques cartes postales que Suzanne a su préserver au fil des déménagements…
La carte postale en haut à gauche montre l'église Ste Marguerite qui a été le point central de notre vie religieuse. Nous y avons pratiqué le scoutisme et aussi participé aux activités du patronage. Celle du dessous représente l'avenue de la République en venant du carrefour des Rigollots (*). Les deux cartes de droite montrent les groupes scolaires que nous avons fréquentés : Elisa Lesourd et l'école Jules Ferry que tout le monde appelait “Roublot” du nom de la rue où elle se situe. Petite touche d'histoire : C'est dans l'école Jules Ferry que la chanson “La Madelon” a été chantée la première fois en août 1914. Autrefois, une plaque commémorant l'événement se trouvait apposée dans le hall de l'école.
(*) Les Rigollots tirent leur nom de l'usine éponyme qui fabriquait autrefois des sinapismes, sorte de cataplasmes servant à traiter les affections respiratoires. L'usine sera démantelée en 1960.
Au sein de la Paroisse Sainte Marguerite, Suzanne faisait partie d'un groupe de femmes chrétiennes appelé “La Ligue”. Lorsque la famille déménagea pour aller s'installer rue du Cherche Midi à Paris, elle reçu la carte ci-dessus signée de toutes ses amies de la Ligue. Nous avons pu identifier quelques noms de famille dont ceux de Mesdames : Videcoq, Vismara, Locatelli, Dupuy Dauby, Chopin, Guillemot, Hadjinassou, Mercier et Collange…..
Suzanne profitait, de temps à autres, d'un moment de calme pour se rendre jusqu'au marché couvert de Fontenay. On remarquera que pour l'occasion, elle n'avait pas quitté sa blouse de boulangère (Ici, en 1948 avec Jean-Claude)
Ci-dessous, des images du passage des fils Pommereau à l'école…
Tout comme Michel quelques années plus tôt, Jean-Claude profitera de la tranquillité de la rue des Prés-Lorets pour faire son apprentissage du vélo. En arrière plan, la camionnette familiale.
Cette rue particulièrement calme servait également de terrain de football, de jeu de Marelle ou encore d'emplacement pour jouer “aux capsules”: Après avoir tracé les lignes d'un terrain de foot miniature, nous nous servions de capsules de bière pour symboliser le ballon. Chaque joueur avait un pion en bois (plus gros que pour le jeu de dames) avec lequel, par pichenette, on devait pousser la capsule dans le but adverse. Toujours sur la chaussée, nous jouions aux osselets qui, à l'époque, étaient de véritables os de mouton. En avançant en âge, nous avons construit des traîneaux avec de vieilles planches et des roulements à billes en guise de roues. Ces traîneaux faisaient un vacarme d'enfer lorsqu'ils étaient lancés !
C'était vraiment une époque pleine d'insouciance…
Pendant la journée, Jean-Claude sera en nourrice chez une voisine, “Mémé” Sagot, qui habitait rue des Prés-Lorets. Il n'a pas oublié cette deuxième grand-mère que l'on voit ici avec “Fifille”, elle aussi gardée par Madame Sagot.
Il avait pour compagnons de jeux ses petits voisins, notamment Jacques Charpentier (Kiki), Claude Sauvannet alias “Fifille” et bien sûr la petite fille des voisins Nicole Rousseau.
Ci-dessous Nicole et à droite Jean-Claude, une petite inconnue, et Kiki. Jean-Claude, Marie-Claire Wolff, Brigitte Quille et Chouchou, rue des Prés-Lorets
Chaque été, la boulangerie fermait pour un mois et nous partions tous les quatre en vacances. Dans un premier temps, il fallait aller à Ramoulu pour y récupérer la tente de camping. Il s'agissait d'une tente achetée aux surplus américains. Dans la cabine de la camionnette, sur l'arrière, se trouvait donc “le Barnum” (à prononcer avec 3 “r”) avec sa mature impressionnante, le matériel de couchage lui aussi d'origine US, un meuble bas fabriqué par Ferdinand avec une vielle caisse, un réchaud, les valises et une bouteille de gaz. Michel et Jean-Claude étaient assis sur une planche à l'arrière en équilibre précaire ! Bien que les séjours aient été spartiates, nous avons toujours eu des vacances heureuses. Certes à l'époque, les questions de confort et de vie ne se posaient pas dans les mêmes termes qu'aujourd'hui, nous sortions en effet de la guerre.
Ci-dessous : la tente avec Pierre et Jean-Claude et à droite Jean-Claude faisant sa toilette, un “cul de poule” en cuivre faisant office de lavabo, le tout posé sur un tabouret à l'envers !
Michel immortalisera la camionnette Citroën que l'on voit ici dessinée de façon réaliste, en version “Vacances”.
Michel, après un passage par le cours complémentaire de Vincennes, partira en apprentissage chez un pâtissier tout en continuant à habiter à Fontenay. Chaque matin il devra se rendre, à bicyclette rue des Pyrénées à Paris dans le 20ème arrondissement. Bien sûr le soir, il fera le chemin inverse ….
Jean-Claude quant à lui poursuivra sa scolarité à l'école Jules Ferry jusqu'à la fin de l'année scolaire 1953-1954.
Au retour des vacances à Ramoulu, il se retrouvera à Paris sans avoir été prévenu, loin de ses copains, de la verdure et surtout de son chien Rita pour lequel il avait une affection toute particulière.
Il apprendra, beaucoup plus tard, que son chien a été conduit à la fourrière car les parents ne pouvaient pas le garder à Paris. Il a donc été euthanasié…
C'est malheureusement la seule photo qui reste de Rita, avec Jean-Claude en 1947.
Ici s'arrête notre séjour à Fontenay, jetons un dernier regard sur la boutique qui, en 1980 n'avait pas changé d'aspect…
Rita était un épagneul breton très affectueux avec toute la famille mais qui avait un gros défaut… C'était un traînard hors pair ! Il arrivait fréquemment qu'il disparaisse pour réapparaître, comme si de rien n'était, plusieurs jours plus tard. Il a été vu, à de multiples reprises, dans tout Fontenay et même dans les communes périphériques, ainsi que dans des endroits totalement incongrus pour un chien…
C'est ainsi qu'un jour, lors d'un meeting du Parti Communiste, au moment où le Premier Secrétaire Maurice Thorez, accompagné de Jacques Duclos, commençait son allocution, Rita a fait une apparition très remarquée sur l'estrade. Peut être voulait il, comme la foule rassemblée, écouter “la bonne parole” ?
Décidément friand des réunions, il s'est manifesté peu après, en pleine messe, à l'église Sainte Marguerite alors que Michel y officiait comme enfant de choeur !
Je n'oublierai pas que c'est lui qui me “gardait”, dans la rue, devant la boutique alors que j'étais dans ma chaise haute. Suzanne pouvait être tranquille…Rita veillait. Assurément, il méritait une meilleure fin de vie que celle qu'il a eu…
Dans le courant de l'année 1943, un voisin et ami, Henri Leconte, décidait d'emmener Michel, âgé à ce moment de 6 ans, “aux Puces” de Montreuil distantes de 5km. Dans ces moments difficiles où il fallait avoir des tickets de rationnement pour tout, on trouvait souvent l'introuvable “aux Puces”. A l'image de ce qu'elles sont aujourd'hui, Les Puces attiraient un nombre important de chalands et aussi de promeneurs qui venaient “faire un tour” d'autant que les distractions étaient rares dans ces moments troubles.
Or donc, Henri et Michel sont partis à Montreuil à bicyclette. Après avoir rangé leur engin dans un endroit sécurisé, ils ont entamé leur périple dans les allées encombrées d'étalages, où les badauds s'arrêtent, repartent, s'arrêtent encore vers un nouveau pôle d'intérêt. Et, ce qui devait arriver est arrivé… Henri et Michel se sont perdus de vue… On imagine bien ce qui a pu se passer dans ces deux têtes. Après l'angoisse de la disparition, Henri a retrouvé son sang froid et, le coeur battant, a immédiatement entrepris de retrouver Michel.
Pendant ce temps, Michel faisait la même chose, mais en sens inverse. Il a tout de même retrouvé, avec les difficultés que l'on imagine, l'endroit où était remisé son vélo et il a décidé de rentrer tout seul à Fontenay. Il y est arrivé bien avant Henri au grand dam de Lucienne l'épouse de Henri, et de Suzanne. Voyant l'émoi créé par son retour et pour ne pas se faire gronder, il a raconté qu'il y avait eu “des terroristes”, qu'il s'était sauvé et qu'il ne savait pas ce qu'était devenu Henri.
Henri devait rentrer seul quelques heures plus tard, dépité, et ne sachant comment annoncer la disparition de Michel… (Ci-dessous Henri avec Ferdinand en arrière plan)
On imagine bien que les retrouvailles ont été chaleureuses et sans doute suivies d'un apéro pour les aînés !
(souvenir de Michel)
Au groupe scolaire Jules Ferry, Monsieur Message a été l'instituteur de Michel et, Jean-Claude l'a aussi connu bien qu'étant dans les classes inférieures. Cet enseignant, au demeurant très respectable, était comme le voulait l'époque vêtu d'une blouse grise. Il avait un sens très aigu de la discipline et lorsqu'il était surveillant de la récréation les choses se passaient ainsi :
Au premier coup de sifflet les élèves devaient rester figés sur place, en silence. Puis, au deuxième chacun se mettait en rang, dans la cour, devant l'entrée de sa classe. Gare à celui qui bougeait lors du premier coup de sifflet ou qui parlait après le deuxième… Monsieur Message criait “inscrit, inscrit” ! et il portait le nom du fautif sur le carnet qu'il sortait de sa poche, un peu comme un contractuel sortirait son carnet de PV.
Un jour durant la scolarité de Michel, alors que ce Maître contrôlait le savoir des ses élèves en matière de calcul mental, un incident s'est produit :
A l'énoncé du problème posé, les enfants devaient inscrire le résultat sur une ardoise et le montrer ostensiblement. Et l'opération s'est répétée à plusieurs reprises… Jusqu'à l'arrivée de l'enseignant de la classe voisine.
Un des cancres placés devant avait inscrit au dos de son ardoise :“Message est un con”… Ce que cet énergumène ne savait pas, c'est que depuis la classe voisine, par la porte de communication, son…..message avait été vu !
Cette histoire est restée dans la mémoire familiale.
Vers 1955, au cours des vacances, Papa a fait stationner la camionnette à proximité d'une carrière. Nous étions près de Binic (à l'époque les Côtes du Nord), et il était l'heure du déjeuner. Les vacances venaient juste de commencer puisque dans l'arrière de la Citroën se trouvaient quelques pains invendus, dont des bâtards.
En attendant le déjeuner, Michel, qui était toujours en quête de découverte, avait jeté son dévolu sur un monticule de cailloux qui ressemblait, toute proportion gardée, à une montagne. Sans doute inspiré par les récents exploits réalisés par les conquérants de l'Everest, il en entreprit “l'ascension” avec Jean-Claude qu'il avait encordé.
Nous voyant en cours d'escalade, Pierre nous intima l'ordre de redescendre, ce qui eut pour conséquence de nous donner des ailes dans notre ascension. Après quelques échanges peu amènes, Pierre s'empara des bâtards dans la voiture et se lança à notre poursuite. Au cours de cette dernière, à défaut de nous rattraper, il nous a lancé les bâtards sans réussir à nous atteindre, les projectiles atterrissant dans l'herbe ! Poursuivis, nous sommes arrivés à une sorte de fossé muni d'une planche en permettant le franchissement. Nous avons retiré la planche, coupant court à la poursuite…
J'imagine que tenaillés par la faim, nous avons du rendre les armes et regagner la voiture.
A bien y regarder, 60 ans plus tard, force est d'admettre que nous n'avons pas toujours été que des petits anges….
(souvenir de Jean-Claude)
A l'âge de 5 ou 6 ans, le jeudi j'allais au patronage de l'Eglise Sainte Marguerite. Bien souvent lorsque le temps le permettait, nous partions en rang au bois de Vincennes qui était tout proche, juste après la gare de marchandises de Fontenay. Nous passions rue Defrance à Vincennes, où se trouvait une galerie marchande avec un marchand de fruits et légumes dont les étals étaient à l'extérieur. Or un jour, en passant devant l'étal des fruits, alors que le magasin était encore fermé, j'ai glissé ma petite main sous la bâche pour m'emparer d'une pomme. Arrivé dans le bois, un des responsables prénommé Jean-Marie m'a pris à part et m'a demandé si je n'avais pas dérobé quelque chose en cours de route. Tout penaud, je lui ai donc montré l'objet du délit. Tous les deux, nous sommes allés remettre le fruit à sa place. Arrivé à la hauteur du magasin, j'ai vu avec horreur qu'il était ouvert et que des chalands étaient déjà là attendant d'être servis. Mort de honte, j'ai du remettre le fruit à sa place sous les yeux de tout le monde…
Jusqu'à un passé très récent, je me suis refusé à retourner sur les lieux… et la leçon a, si j'ose dire, porté ses fruits !